Vivre exclusivement de la musique est un chemin de croix, rien de nouveau ici, mais si il y a quelque chose qui peut vous aider à devenir un meilleur ingé mix / beat maker / producteur et à garder une qualité consistante sur toutes vos productions, c’est bien l’organisation de vos sessions de travail.
Mixer est un travail compliqué, vous devez penser à la fois comme un artiste et comme un ingénieur du son, vous devez prendre des décisions pour « gonfler » la chanson, la rendre vivante mais en même temps vous devez gérer les problèmes liés à l’enregistrement, trouver de la place pour les 5 kick et les 12 basses que le client vous a envoyé et en même temps faire en sorte que la voix arrive à se frayer un chemin dans un arrangement de 128 pistes… le tout en étant capable de recall la session 3 semaines plus tard parce-que votre client veut une modification urgente, la veille du mastering sur ce fameux 3ème clavier d’ambiance pendant le pont.
Morning routine
Pour garder une qualité constante entre les mixes que vous envoyez à vos clients, vous devez être certain que vos sessions sont constantes dans leur organisation. Tout le temps que vous passez à préparer votre session avant que vous ne tourniez la moindre EQ n’est pas perdu, au contraire, c’est un cadeau que vous faite à futur-vous quant il sera obligé de naviguer entre toutes ses sessions en cours dans 3 semaines.
La première chose que je fais est commencer sur une session neuve, je déteste récupérer la session d’un autre studio car il est peu probable qu’il ait la même organisation que moi. J’importe et écoute toutes les tracks que mon client m’a envoyé en les renommant proprement (il y a fort à parier que le client ait envoyé des pistes nommées Audio 1, 2, 3… et je sais que je n’aurai aucune idée de ce que je trouverai sur « Audio 51 » après 5 heures de mix). Encore une fois, soyez consistant dans le nom que vous donnez à vos pistes, vous gagnerez du temps et de l’énergie à retrouver vos petits dans un arrangement surpeuplé.
De l’ordre
Ok, maintenant que vos tracks sont importées et renommées, il est temps de les mettre dans l’ordre, tout le monde à son ordre de préférence mais voici le mien :
- Drums : Kick, Snare, HH, Toms, Overheads, Ambiances
- Percussions additionnelles
- Basses
- Guitars
- Pianos
- Claviers
- Cordes
- Cuivres
- Chorales
- Voix lead
- Background vocals
- STEMS
- Prints / Mixes (Avec mes tracks de référence, lisez en plus à ce sujet ici)
Pour les pistes auxiliaires (Aux / Bus selon votre DAW) je les garde juste après les tracks routées dedans, par exemple : Premier micro de guitare / Second micro de guitare / Auxiliaire de guitare.
Il n’y à pas de bonne ou de mauvaise façon de gérer l’organisation de ses sessions, le plus important est de trouver celle qui colle à votre workflow et de s’y conformer pour être consistant (pour ceux qui dormaient au fond, c’est le mot de la journée).
Vous aurez peut être remarqué que je parle d’un groupe de pistes auxiliaires appelées « STEMS » et rangé tout en bas de mes session. Les STEMS sont des groupes d’instruments (batteries, basses, guitares, voix…) qui peuvent être extrêmement utiles pour faire des correctifs de dernière minute plutôt que de remonter dans les pistes individuelles. Les avoir en bas de session permet aussi d’éviter les erreurs quand un client nous demande d’exporter des groupes d’instruments pour le live. Pour éviter de me perdre, chaque auxiliaire de STEM a ses propres envois d’effets, ma réverb de batterie n’est utilisée que dans le STEM de batterie et mes delays de voix ne sont utilisés que dans le STEM de voix.
Un dernier détail utile, ces STEMS permettent aussi facilement de faire du STEM mastering mais nous en reparlerons ailleurs.
De belles couleurs
À ce point, votre session doit commencer à ressembler à quelque chose de propre mais il va maintenant falloir y mettre de la couleur, premièrement parce-que c’est et beau et surtout parce-que c’est utile.
Chaque groupe d’instruments et chaque type de send à sa propre couleur afin d’être plus facilement reconnaissable d’un seul coup d’oeil. N’hésitez pas à utiliser des nuances de couleur pour différencier par exemple la guitare 1 de la guitare 2 ou les voix lead des voix additionnelles.
Comme je le disais précédemment, je garde mes auxiliaires et mes sends au coté des track qui les concernent, j’ai besoin de pouvoir les repérer rapidement sans les confondre avec une piste audio.
Encore une fois, chacun à ses préférences sur le code couleur à utiliser mais voici celui que j’utilise au studio :
Petit aparté sur les sends
Les envois sont souvent des sources d’erreurs, surtout quand il s’agit de faire des exports de pistes précises. Pour rester dans le theme, une routine précise aide à éviter ces erreurs, surtout quand un client demande des exports un mois après la dernière ouverture de la session.
Il existe deux types d’envois : pré et post fader :
- Pré-fader sont des envois totalement indépendants par rapport à leur piste audio. Ils restent actifs même si vous mutez la piste audio et leur volume ne changera pas si vous changez le volume de la piste d’origine.
- Post-fader eux sont l’exact opposé, ils sont dépendants du comportement de leur piste audio, si vous la mutez ou changez le volume, l’envoi suivra le mouvement.
De façon générale je préfère utiliser des envois post-fader pour mes effets comme ça je suis certain de ne pas avoir une reverb qui se balade alors que j’ai muté la piste. Ca me permet aussi d’avoir un volume d’effet qui s’adapte aux suivis que je fais sur ma piste audio (typiquement pour des reverbs de voix). J’en profite aussi pour mettre en solo-safe la piste de retour de cet envoi puisque je sais que il sera silencieux si je mute la piste qui nourrit ce retour.
De l’autre coté j’utilise les envois pré-fader pour déclencher mes side-chain, ma compression parallèle (ne vous inquiétez pas, on en parlera ici quand j’aurai écrit l’article) ou bien pour gérer la balance de casque de mes musiciens pendant les prises, comme ça je suis certain qu’ils ont toujours le même retour si jamais je décide d’écouter en solo un instrument pendant un enregistrement. Pensez à ne pas mettre en solo-safe la piste de retour d’un envoi pré-fader pour évier qu’elle ne continue à jouer par erreur alors que vous aviez muté la piste audio.
Pour finir
Avoir une organisation constante dans vos sessions est réellement un facteur clé pour produire des titres avec une qualité consistante dans le temps. Elle permet de réduire l’écart entre votre idée et l’action dans la session de la même façon que la mémoire musculaire vous permet d’aller chercher un fader sur une console de mixage sans même y penser.
Gardez en tête que chaque seconde que vous perdez à chercher une piste dans votre session est du temps que vous auriez pu passer à affiner votre mix.
Un petit mot de fin pour les beat makers et les producteurs : soyez sympa avec votre ingé mix, prenez le temps de nommer vos pistes et de les organiser proprement pour que nous ne passions pas les deux premières heures de votre session à essayer de savoir qui est quoi. Comme ca, nous commençons à mixer plus vite et avec des oreilles plus fraiches, c’est bon pour votre mix et pour votre porte-monnaie.
Créateur de THE OFFICE / THE ARTIST en 2007, j’ai été musicien de session dans plusieurs groupes ce qui m’a permis de tourner à peu près partout dans le monde.
Je me passionne maintenant pour l’enregistrement et le mixage et partage ma passion avec tous ceux qui viennent prendre un café au studio.